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Quelque part dans l'univers, des insectes évolués dominent le continent d'Entoma. Leurs civilisations, puissantes et organisées, vont être déstabilisées par un événement majeur. La découverte des vestiges de l'humanité va changer leur vision de l'univers.
Certains peuples se mettent à vénérer les Hommes comme des dieux pour acquérir technologie et puissance. Cette posture leur permet aussi de rompre avec leurs croyances animistes, se plaçant au-dessus des lois de la Nature.
Telle une vengeance divine , une terrible maladie apparaît. Frappés de phosphorescence et de mutations, les contaminés sont nommés les Blafards. Rejetés des sociétés, ils forment une puissance faction ayant pour objectif la destruction de l'ordre établi.
Les Animistes, quant à eux, tentent de préserver la puissance de leurs dieux en combattant ces nouvelles croyances.
Dans cette confrontation idéologique, mais surtout territoriale et économique, les Intres jouent de leurs formidables capacités pour défendre leurs intérêts raciaux...
NOTES PRÉLIMINAIRES:
-Cet avis se base sur la lecture attentive du livre de base.
-Dans le cadre de son partenariat avec le blog, Odonata Éditions m'a aimablement fourni le matériel.
Je reste toutefois libre d'exprimer mon point de vue, ce n'est pas un article sponsorisé.
Merci à eux d'avoir accepté de jouer le jeu de la critique bloguesque.
-Suite à un imprévu avec la Poste, le livre n'est pas arrivé chez moi.
Mon article se base donc sur lecture du PDF. Par conséquent, je ne m'étendrai pas sur les qualités et défauts du livre en tant qu'objet.
-Le meneur de jeu d'Insectopia est appelé Deus.
Si vous pensez qu'Insectopia est un jeu de rôle apéro où vous simulerez de naïves aventures champêtres façon Maya l'abeille... vous vous mettez la patte dans l'oeil !
On se trouve devant un beau gros bébé de 328 pages où conflits idéologiques, politiques et religieux se côtoient dans un cadre qui fait la part belle aux complots, à la magie et aux découvertes mystérieuses...
"Maya l'Apis", prêtresse du culte de Anciens Dieux... (image trouvée sur le site de NicolasLetutour - Illustrateur: http://niko-nicolasletutour.blogspot.com/p/blog-page_26.html )
Vous incarnez un Intre du continent d'Entoma, un insecte doué d'une intelligence équivalente à la nôtre (parfois plus !) dont la civilisation a évolué à grande vitesse pour atteindre un niveau technologique et social oscillant entre la Renaissance et le Monde Moderne: découverte du feu, de la roue, de la métallurgie, développement des cultes, de l'architecture, de l'art, etc.
Le choix est vaste puisque vous pourrez piocher parmi une sélection de pas moins de 20 peuples d'Intres: Apis, Blatère, Brindis, Cerk, Crinar, Crinelle, Koks'Ihne, Lépide, Lulle, Mantide, Myrmide, Putère, Skadan, Skarab, Stick, Syrphe, Termide, Vespale... dont deux du type araignée (Arak): Arakchass et Araktiss.
Chouette initiative à mettre en avant: ce chapitre se conclut sur une jolie illustration reprenant toutes les races d'Intres en respectant leurs tailles respectives. Vraiment pratique pour faire se faire une idée de ce qu'on peut jouer en un clin d'oeil.
Chacun d'entre eux présente des particularités qui lui sont propres: organisation sociale, physionomie, compétences spéciales, art et langage, religion, préjugés qu'ils véhiculent, population et ethnie, sonorité et noms propres...
Des aventuriers hors-norme ! Image extraite du livre de base.
Il y a beaucoup de matière à intégrer lors des premières dizaines de pages du livre. On y fait référence à tout un tas de termes et de concepts dont on n'a pas encore pris connaissance ou qu'on a fait qu'évoquer dans l'introduction et ça donne un peu le tourni: tarses, chélicères, cycles, kumi, diapause, Anciens Dieux, Animistes...
Il existe bien un glossaire très complet en fin de livre mais les allers et retours en début de lecture, très peu pour moi, même s'il s'avérera être un outil bien pratique par la suite.
Les courts récits plutôt bien écrits qui émaillent le livre donnent heureusement la possibilité de respirer entre deux descriptions plus velues.
En tant que rôliste ayant connu la "vieille école" du loisir, je ne peux que me réjouir de la naissance d'un jeu qui ose encore abreuver ses lecteurs d'informations plus fouillées qu'un simple étalage "d'ébauches d'idées" comme ça se voit régulièrement dans la "nouvelle école" du loisir.
Ne nous comprenons pas mal. J'aime ces deux orientations ludiques mais il faut admettre que, parfois, avoir la possibilité de lire un max d'infos sur un univers créé de A à Z par quelqu'un d'autre... ça fait juste du bien !
Le chapitre réservé à la présentation du monde d'Entoma éclaircit les zones de brouillard de début de lecture et on prend peu à peu conscience qu'on est face à un contexte de jeu extrêmement bien construit malgré une légère impression de "déjà vu".
La découverte et l'exploitation des artefacts de la civilisation oubliée des Anciens Dieux (nous !) par les peuples du Nord, l'apparition des Blafards (Intres corrompus aussi bien physiquement que mentalement au contact des reliques de l'ancien monde), les guerres religieuses entre la faction des Cultistes voulant imposer cette nouvelle voie et celle des Animistes cherchant à préserver les lois naturelles, la guilde des Négociants et ses retournements de veste ou encore celle des Transporteurs et de leurs fameuses nefs volantes... les différentes formes de magie... même si on détaille le tout avec talent, le fond de tout ça reste déjà vu et revu par d'autres jdrs.
ET POURTANT...
Illustration de l'écran du meneur
Pour moi, le succès de l'idée repose principalement sur le type de personnage proposé: les Intres.
Pas parce qu'on peut rejouer des thèmes classiques avec un "petit truc en plus" ou parce que "c'est l'occase de jouer des pseudos super héros" dans une thématique médiévalisante.
NON, vous jouez des "insectes intelligents" et, assumé pleinement, c'est juste le pied ! Ou la patte... comme vous voulez !
On est, ici encore, en terrain connu (qui n'a jamais vu d'insecte ?) tout en s'offrant la liberté de naviguer vers des terres ludiques inconnues...
En effet, s'ils partagent un grand nombre de traits propres à notre condition humaine, les Intres restent des créatures radicalement différentes de nous.
La plupart peuvent voler, certains vont faire preuve d'une force proportionnellement bien supérieure à la nôtre, alors que d'autres vont cultiver, même si c'est mal vu en Entoma, une culture cannibale...
Les portes des maisons ne sont que rarement au sol, les villes ont une vie souterraine riche, une souche de bois peut devenir une cité ancestrale fourmillant de vie...
Le sexe se limite généralement à la reproduction et le sentiment de filiation n'existe pas même si des liens de proximité peuvent se créer...
Quand la température diminue, le rythme biologique des Intres ralentit jusqu'à la paralysie ou la mort. Bienvenue dans la diapause !
Ils pratiquent le langage parlé mais communiquent également (voire surtout...) grâce à des phéromones qui traduisent leurs émotions.
L'utilisation des phéromones renouvelle la façon de jouer !
Pendant un scénario d'enquête, que penser d'un lieu ou tout le monde semble détendu mais où flotte une odeur de fer (typique des Blafards) et de peur en arrière-plan ?
Vous ne savez pas quoi dire pour conquérir le coeur de votre aimée ? Pourquoi ne pas laisser vos phéromones s'exprimer à votre place ? Laissez faire la Nature...
Un groupe d'Intres est enivré de joie suite à un heureux événement ou une consommation excessive de mielline ? Cette extase est communicative... réellement... est-ce vraiment une aubaine si vous aspirez à une vie au calme, éloignée de tous les excès populaires ?
Une haute maîtrise des phéromones permet littéralement de dominer des populations entières d'insectes évolués ou non... ce n'est pas donné à tous les Intres mais méfiance... où en est notre libre-arbitre dans une société où de simples molécules flottant dans l'air peuvent modifier durablement nos comportements ?
Lépide - Livre de base
LES BLATTES ENVAHISSENT TA TABLE !
Pour vérifier la réussite ou l'échec d'une action de jeu, vous devrez tirer un nombre variable de blattes (pastilles colorées) d'un sachet opaque en contenant 42.
Une fois l'action effectuée on remet les blattes dans le sac. C'est que ça peut vite prendre froid, ces bestioles...
On fonctionne sur un système de calcul de différence entre compétences ou caractéristiques opposées pour déterminer ce nombre. Au cas où l'opposition est plus abstraite, on compare la caractéristique appropriée (Antenne, Esprit, Mandibule, Aile, Chitine, Température, Caste) à un niveau de difficulté.
-Si le résultat de l'opposition donne 0, on tire une blatte et on tient compte de sa couleur pour déterminer la qualité de son action.
-Si l'opposition donne +1, on tire une blatte et on a le droit d'en retirer une si le résultat ne nous convient pas. Attention, il faudra garder ce nouveau résultat même s'il est plus défavorable.
-Si l'opposition donne -1, on tire une blatte et le Deus (ou notre adversaire) a le droit de vous en refaire tirer une. Le nouveau tirage étant impérativement gardé.
-Si l'opposition donne +2, +3, +4, etc., on tire un nombre de blattes égale à ce chiffre et on garde celle qui nous convient le mieux.
-Si l'opposition donne -2, -3, -4, etc., on tire un nombre de blattes égale à ce chiffre et le Deus (ou notre adversaire) choisit la blatte qui déterminera le résultat.
Photo venant du site d'Odonata Éditions: http://odonataeditions.e-monsite.com/boutique/accessoire/sachet-de-blattes.html
Il y a cinq couleurs de pastilles différentes, chacune apportant un bonus ou un malus à l'action.
Rouge: réussite critique.
Vert: réussite améliorée.
Bleu: réussite.
Blanc: échec.
Noir: échec critique.
Je regrette seulement que les couleurs "rouge" et "verte" aient encore une fois été mise sur le tapis à une époque où le monde du jeu essaie de plus en plus de prendre en compte les problèmes de daltonisme.
Ce n'est pas fondamentalement grave et les joueurs daltoniens que je côtoie ont l'habitude de se démerder autrement mais ça aurait été le bienvenu.
Pour le reste, on est face à un système simple, efficace et fidèle au thème.
Ça a le mérite d'être salué !
Il existe de nombreuses options tenant compte de cas particuliers pouvant se présenter en cours de jeu mais je ne me pencherai pas plus en avant dessus. Ce n'est pas le rôle de mon article et, cette analyse se basant sur une lecture, je ne me sens pas légitime pour creuser le sujet plus profondément.
DANS LES GROSSES LIGNES:
-Le système de combat ajoute la possibilité d'utiliser des manoeuvres (attaque sournoise, fuite, blocage, coup précis...) pour personnaliser vos actions pendant les scènes de rixe.
-Les blattes de chance vous permettent de remplacer la blatte défavorable choisie par le Deus. On les gagne au début du scénario.
-Les points de fluide représentent votre "puissance interne". Ils permettent de tenter le tout pour le tout, quitte à se blesser gravement, pour accomplir une action importante. On puise également dedans pour activer certaines capacités magiques ou non.
-Il existe huit types de magie pour huit genres de pratiquants (Chaman, Contrôleur d'énergie, Druide, Maîtresse des pouvoirs, Maître des plantes, Prêtre des Anciens Dieux, Prêtre de la Souillure et Psychés).
La magie se veut très libre et créative puisqu'il n'y a pas de sorts prédéfinis. À charge du joueur en collaboration avec son Deus d'imaginer sa forme et ses effets.
L'idée est plutôt cool même si elle demande tout de même une phase d'apprentissage. Je conseille aux meneurs de prendre un moment hors jeu pour bien expliquer les mécanismes ainsi que les tenants et aboutissants du type de magie que le joueur a choisi afin de profiter pleinement de son personnage en cours de partie.
Un esprit taquin pourrait dire que le tirage de blatte nuit au rythme puisqu'il faut se passer le sachet... je lui répondrai que, comme pour les habituels jeux avec lancers de dés, il est préférable que chaque joueur vienne avec son propre matos.
C'est à peu près le même prix et si, contrairement aux dés, les blattes ne serviront qu'à ce jdr, posséder quelques dizaines de tokens n'a jamais fait de mal quand on s'intéresse aux jeux de société.
À vous de voir... personnellement, je possède des jetons de pokers et un petit sac de jute qui font très bien le boulot.
La création de personnage se fait sans heurts, étape par étape, et l'envie de jouer progresse à mesure que vous voyez votre Intre prendre forme. Le seul bémol de cette partie est l'accumulation de tableaux dont le manque d'esthétisme fait tache comparé aux qualités graphiques du reste du livre.
On est dans les "coulisses du jeu" et j'ai le sentiment que l'aspect pratico-pratique y a pris le pas sur le reste. Nul doute que cet aspect plaira à un nombre non négligeable de meneurs.
ENTOMA - Image trouvée sur le site de Philibert: https://www.philibertnet.com/fr/generique-et-inclassable/45374-insectopia-carte-d-entoma-2100000324330.html
LISSE TES AILES, ON PART À L'AVENTURE !
Fleurs de Mielline, unique scénario proposé dans le livre de base, propose une intrigue diplomatique prenant place pendant les grandes festivités de la cité Apis de Cartalle.
L'introduction est joyeuse et l'aventure permet de faire un rapide tour d'horizon de ce que propose le jeu. Elle se clôture sur une "non fin" qui laisse place à de grandes perspectives de campagne.
Le scénario conseillant, avec raison, d'utiliser les personnages pré-tirés pour tirer tout le sel de l'aventure, il est toutefois frustrant de se dire que si on se lance dans la suite, ce ne sera vraisemblablement pas avec nos propres personnages.
Il sera évidemment tout à fait possible de bidouiller la chose et d'introduire nos persos "faits maison" mais je doute que ce soit le réflexe d'un meneur débutant.
Bref, on est face à une intro très sympathique mais un peu trop abrupte pour un meneur venant à peine de goûter à ce nouvel univers de jeu. Deux ou trois scénarios avec une gradation dans les enjeux n'auraient pas été un mal...
Heureusement, la gamme d'Insectopia est en train de s'étoffer et, à voir le succès de leur souscription (au moment où j'écris ces lignes, elle est financée à 200%), nous allons avoir beaucoup de bon matos sur nos tables !
Si le fond du jeu se base sur des poncifs connus, l'univers créé est extrêmement riche et détaillé. On est bien devant un jdr original qui a une sacrée personnalité et ça... ça se dompte !
Je me réjouis donc de voir apparaître du nouveau contenu (dont des scénarios ! ) pour le jeu ! C'est encore la meilleure méthode pour découvrir ce qu'Entoma a à offrir comme défis ludiques.
Image trouvée sur la page de souscription: https://www.gameontabletop.com/crowdfunding-173.html
CONCLUSION, ASSIS LE CUL SUR L'HERBE...
J'ai horreur de lire un jdr sur l'écran de mon PC... surtout quand il fait plus de 300 pages.
Mes yeux saignent et ma raison s'égare au bout de chaque chapitre...
Mais ici, ÇA VALAIT LE COUP, même si tout n'est pas parfait... il reste encore des coquilles (présentes jusque dans la table des matières !) et j'espère que des leçons en seront retirées pour la finalisation des nouvelles productions ! :-)
Le concept des Intres est juste génial et tout est fait pour qu'il soit applicable avec cohérence et fun.
Oui, une blatte pourra vous filer une petite larme à l'oeil et, oui encore, vous repenserez en tremblant au massacre que ce maudit moineau a fait dans votre petit village... on peut difficilement faire plus dépaysant !
Si vous avez la chance d'avoir un jardin, je vous invite d'ailleurs vivement à préparer vos scénarios assis dans l'herbe. La vie qui grouille autour de vous est une excellente source d'inspiration... et d'émerveillement !
J'aime tout particulièrement le travail réalisé autour des différentes factions en place. Il y a énormément de matière à jouer, Entoma étant perpétuellement au bord de l'implosion: diplomatie, complots, guerre d'idées... ce jeu n'a rien à envier à "Game of Thrones".
Bravo à tous, vous m'avez donné envie de jouer !
LIENS UTILES:
Odonata Éditions
Game on Tabletop (financement participatif) - FIN DU FINANCEMENT LE 10 AVRIL 2019 !
Insectopia et sa page FB